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MONTCHANIN-BLANZY CANTON 71

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France au 27ème rang des pays démocratiques-le coin de presse

coin de presse

 

 

Qui sont les pays les plus démocratiques en Europe ?

Gilbert Cassasus commente le baromètre de la démocratie, le classement des états européens selon leur mode de fonctionnement démocratique, réalisé par des chercheurs suisses et allemands. Première remarque : les pays du nord de l'Europe, Danemark et Finlande devant, arrivent en tête. Surprise : la Belgique, divisée entre Wallons et Flamands, se hisse à la troisième place. Le professeur, enfin, ne comprend guère pourquoi la France ne se situe qu'au 27ème rang 

Paru fin janvier 2011, le baromètre de la démocratie a immédiatement fait couler beaucoup d’encre. Réalisé de consort par les chercheurs de l’Université de Zurich, du Centre pour la démocratie d’Argovie (ZDA) ainsi que du Centre scientifique pour la recherche sociale de Berlin (WZB), il établit un classement des pays selon leur mode de fonctionnement démocratique.


Instrument pour comparer les pratiques démocratiques dans soixante-quinze États du monde entre 1995 et 2005, il accorde une place de choix aux valeurs que sont la liberté, l’égalité et le contrôle institutionnel et constitutionnel. Prenant en compte certains critères comme la participation citoyenne, les libertés individuelles, le respect de l’État de droit ou la concurrence, il se veut rigoureux et objectif, indépendant des idéologies et facilement quantifiable. En ce sens, il espère contribuer au débat démocratique, constituer une référence de choix pour l’analyse des systèmes en vigueur et participer à ce que les Allemands ont pour coutume d’appeler « la formation de la volonté politique ».


A priori, il n’y aurait rien à redire. Fruit d’un travail qui se veut scientifique, les données paraissent justes et les résultats convaincants. D’ailleurs, nul n’est surpris de lire que les démocraties du nord de l’Europe sont les meilleures du monde. Ainsi, c’est le Danemark qui remporte la palme d’or, tout juste devant la Finlande. Que Copenhague abrite la meilleure démocratie du monde, semble en soi logique car les Danois « ont un grand nombre de femmes qui participent au débat démocratique et laissent aux minorités un accès plus simple aux leviers de pouvoir ». Tel est du moins l’avis du politologue zurichois Marc Bühlmann qui a dirigé cette étude avec ses collègues berlinois.


Marc Bühlmann ne s’est pas fait que des amis dans son propre pays. La Suisse n’arrive en effet qu’à la quatorzième place du classement, même devancée par l’Allemagne qui se range en onzième position. Face à ses propres concitoyens, visiblement vexés par le mauvais score de la Confédération helvétique, Marc Bühlmann avance des arguments auxquels on ne peut que souscrire. Il regrette d’une part, la faible participation aux élections qui n’excède souvent pas les 50% des inscrits et déplore d’autre part l’interdiction du droit de vote pour les étrangers. En revanche, ses réponses deviennent plus aléatoires dès que l’on touche l’objet même de l’étude, à savoir la conception que les différents pays se font de la politique. Ainsi les auteurs de ce travail ont-il refusé d’inclure dans leurs résultats les répercussions que peuvent engendrer des scrutins tels ceux qui interdisent la construction de minarets ou favorisent le renvoi des criminels étrangers hors de Suisse.


Et c’est là que le bât blesse. Nombre d’événements qui ont jalonné l’actualité de ces cinq dernières années ont infirmé les conclusions retenues par ce baromètre. De surcroît, la qualité de ce genre d’étude ne dépend pas uniquement des instruments institutionnels qu’elle évalue mais aussi des contenus des débats auxquels sont confrontées les sociétés démocratiques. Affirmer que le Danemark serait aujourd’hui la meilleure démocratie du monde paraît alors bien hasardeux, d’autant que la droite extrême représentée par le Dansk Folkeparti soutient ouvertement la coalition des libéraux et conservateurs en place à Copenhague. De même, bien que la France ne soit pas, loin de là, une démocratie exemplaire, elle mérite certainement mieux qu’une 27ème place, tout juste devancée par la Grande-Bretagne qui est pourtant le pays berceau du parlementarisme moderne.

 

A contrario, le classement de l’Allemagne paraît un peu flatteur. Pays ayant su instaurer une démocratie vivante après la Seconde Guerre mondiale, la République fédérale fait aussi preuve de quelques faiblesses en la matière. En effet, comme le rappelait l’ancien Président Richard von Weizsäcker dans son dernier ouvrage publié à l’occasion du vingtième anniversaire de l’unification allemande sous le titre « Der Weg zur Einheit », comment ne pas déplorer encore aujourd’hui que celle-ci n’ait pas été légitimée en octobre 1990, et conformément à la loi fondamentale allemande, par un vote de l’ensemble des citoyens de la RFA et de la RDA ? Ici, la France s’avère plus démocratique que son voisin allemand, la constitution de la Ve République prévoyant le recours au référendum, alors que l’Allemagne unie ne l’a pas encore instauré. Par conséquent, les seize places qui séparent Paris et Berlin dans ce classement semblent bien excessives.


Plus excessif est encore la place de choix laissée à la Belgique qui arrive en troisième position du classement. Comment un pays au bord de la scission, privé de surcroît d’un gouvernement depuis plus de six mois, peut-il désormais prétendre atteindre un tel rang ? Ce n’est là que la preuve d’une faiblesse méthodologique d’un travail dont l’approche scientifique ne convainc guère. Faut-il pour autant le renier de fond en comble ? Rien n’est moins sûr. Au diapason d’une science politique qui va droit dans le mur, il convient de le prendre en compte non pour ses qualités présupposées mais pour ses imperfections avérées. Ainsi les politologues suisses et allemands confondent ostensiblement les données statistiques et conjoncturelles avec les contenus intellectuels et structurels des débats démocratiques. De plus, adeptes ou victimes d’une « idéologie du classement », ils se laissent influencer par une culture du résultat dont on connaît, ne serait-ce qu’en France, les limites de la pensée et du raisonnement.


Gilbert Casasus, professeur en études européennes, université de Fribourg / Suisse            

            


Mercredi 2 Février 2011
Gilbert Casasus - Professeur en « études européennes »


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